Laurène – Paris 14 (75) – 06/04/2020

Il m’arrive parfois de repenser à ces mots : « on peut donner bien des choses à ceux que l’on aime. Des paroles, un repos, du plaisir. Tu m’as donné le plus précieux de tout : le manque. Il m’était impossible de me passer de toi, même quand je te voyais tu me manquais encore. ».

Outre l’être aimé auquel cette citation pourrait faire penser, je pense bien plus à un autre être perdu : ma liberté.

Dans une vie où les minutes s’enchaînaient sans être senties, où chaque heure était consacrée à une activité différente, à une pensée, à un être différent, à des élections municipales tendues mais gagnées, il m’est indiqué que demain je devrai rester chez moi, enfermée.

Je riais face à la discipline à laquelle on souhaitait me soumettre : je n’avais même plus le souvenir d’un jour entier que j’aurais passé chez moi. Cela m’était improbable.

En réalité, si mes capacités d’obéissance, quand je ne consens pas, sont proches du néant, l‘intérêt des autres passe toujours au dessus en cette période si particulière.

Cette fois-ci, j’étais bien contrainte : la vie est en danger. Je me confine.

Les débuts sont difficiles, je hais cette limitation de liberté. Je suis persuadée qu’il y a d’autres solutions au confinement. Je répète toujours que le pire à faire dans une vie, c’est d’accepter. Accepter c’est abdiquer, c’est arrêter le combat. Or, il n’y a aucun combat que je souhaite suspendre.

Alors, sans accepter, je décide de continuer ce combat. Je fais de cette absence de solution, ainsi que des milliers de mourants et des messages de détresse des soignants, une force majeure.

Finalement, s’il y a une chose que m’a appris ce confinement, c’est que la liberté ne s’enlève pas avec une attestation à remplir, une promenade d’une heure maximum ou la contrainte de la police. La liberté c’est décider seule ce que je ferai de ce confinement, et à quel point j’en sortirai libre.

Il n’y a aucune contrainte qui tienne lorsque la vie est faite de choix.

Chère liberté, même quand je te vois tu me manques encore.

Pour toutes les « Expressions de France »,

Laurène
Etudiante en Master 2 Carrières Judiciaires.

(crédits-photo : Débattre en Sorbonne)