Rapport Combrexelle : une révolution sociale ?

Le rapport Combrexelle vise à réformer une énième fois le Code du travail et à mettre grandement en avant les accords entre l’employeur et les syndicats de salariés, au dépit du contrat de travail et de la loi. Avant même la lecture du rapport en lui même, la composition apparait décevante : professeurs de droit, hauts fonctionnaires… la technocratie dans toute sa splendeur. Difficile donc de donner du crédit à un rapport rédigé par des personnes, certes qualifiées, mais qui n’ont jamais été assujettis en tant que salarié ou employeur aux dispositions du Code du travail.

Qu’en est-il en réalité ? Est-ce la révolution sociale tant attendue par les salariés et employeurs ?

Le rapport envisage plusieurs pistes de réflexion majeures, à savoir la refonte du Code du travail accompagné d’un réagencement des normes, ainsi que des propositions visant un motif de licenciement économique et la durée légale du travail (les 35h).

La refonte du Code

Cela n’a échappé à personne cet été 2015, le Code du travail en a pris pour son grade. Trop illisible, trop obèse, une cure d’amaigrissement s’imposerait selon nos hommes politiques, Valls en tête.

Mais pourquoi faire un Code ? Les Codes de droit sont conçus afin de compiler les textes applicables en vigueur dans une matière. Ils permettent ainsi un meilleur accès au droit. Nul doute que le Code du travail est complexe, et il serait possible de le rendre plus lisible, plus intelligible en supprimant des complexités inutiles, des distinctions superflues, et en réorganisant correctement la structure du Code.

Cependant, amaigrir le Code est un leurre : les dispositions légales qui ne s’y trouveraient plus se retrouveraient autre part, et notamment selon le rapport Combrexelle, au niveau des accords d’entreprise. Impossible alors de prétendre favoriser l’accès et l’intelligibilité au droit : d’une entreprise à l’autre, le droit applicable serait différent.

Enfin, un Code de droit reste un Code de droit et est d’une complexité égale à la matière qu’il tend à régir. Un juriste ou un avocat restera toujours essentiel tant pour les entreprises que pour les salariés dans les problèmes juridiques qu’ils peuvent rencontrer.

La négociation collective

La négociation collective est une notion qui regroupe les accords passés entre les syndicats d’employeurs et de salariés. L’idée de départ n’est pas mauvaise, c’est celle de concilier les intérêts de chacun.

Le rapport Combrexelle propose de placer les accords négociés au centre du droit du travail, devant la loi et même le contrat de travail. La loi ne disposera ainsi plus que des dispositions d’ordre public (salaire minimum, durée légale du temps de travail etc…).

L’idée n’est pas mauvaise mais se heurte à un constat : ça ne fonctionne que très peu. Tout d’abord car la distance hiérarchique entre employeur et salarié est énorme, ne permettant aucun dialogue. Deuxièmement, les syndicats français ne représentent plus rien : 7% des salariés en incluant le secteur public en 2009. Ils ne sont donc pas aptes à représenter ces derniers. Enfin, certaines entreprises subventionnent indirectement les syndicats, comme Axa via les chèques syndicats. Comment alors un syndicat pourrait avoir la légitimité suffisante pour défendre les intérêts des salariés contre l’employeur ?

L’autre problème est que les accords négociés seraient par nature temporaires, là où la loi est perpétuelle, et pourraient se renégocier avant le délai d’expiration facilement. Ainsi, un avantage acquis par les salariés ne perdurerait jamais bien longtemps.

Le régime d’indemnité spécial pour un nouveau motif de licenciement économique

Le rapport propose un nouveau motif de licenciement économique. Il se déclencherait par le refus du salarié de se voir appliquer des conditions moins favorables contenues dans un accord négocié que celles qu’il avait conclu dans son contrat de travail. C’est déjà en soi une aberration car « le principe du plus favorable est l’âme du droit du travail ». L’employeur pourrait alors contraindre son salarié à abandonner un avantage qu’il aurait négocié avec lui dans son contrat de travail lors de l’entretien d’embauche.

Encore une fois, avantage acquis pour le salarié ne profiterait jamais bien longtemps. Non content de cela, le rapport Combrexelle propose une indemnité de licenciement pour ce motif encore moins favorable que l’indemnité légale. Une manière de punir le salarié pour ne pas s’être plié à l’accord négocié. Il perd donc son emploi, et est peu indemnisé.

Ce régime d’indemnité est, malheureusement pour les rédacteurs du rapport, inconstitutionnel. Il viole en effet de manière évidente le principe d’égalité, car il prévoit un traitement spécial pour ce motif de licenciement précis, moins favorable au salarié, alors qu’aucun motif valable en droit ne permet de justifier cette atteinte au principe d’égalité.

Le contournement de la durée légale du travail

La durée légale du temps de travail (35h) est lié au déclenchement des heures supplémentaires, ce sont 2 notions indissociables. C’est pourtant ce que souhaite faire les rédacteurs du rapport Combrexelle.

Ainsi, on ne modifie pas la durée légale du travail qui reste de 35h, mais on met en place une pirouette légale. Par accord négocié, on pourrait ainsi prévoir que le déclenchement des heures supplémentaires se fera à 37h, 39h, 40h… Votre employeur pourra ainsi vous demander d’effectuer plus d’heures que les 35h prévues par le contrat de travail, mais non majorées. Vous ferez ainsi des heures supplémentaires mais non payés comme des heures supplémentaires. On marche sur la tête.

On voit ainsi tout le courage de nos hommes politiques, Valls et Hollande, qui affirmaient que la durée légale du temps de travail ne serait pas touché : on garde en fait les 35h symboliquement. C’est là tout le courage de nos politiciens actuels, qui mettent en place de tels procédés discrets, plutôt que lancer un véritable débat, comme celui de remettre en place les 39h.

 

Maxime Timbert, Vice-Président de Paroles d’Etudiants,

pour Expressions de France

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