Sonia – France – 28/04/2020

Apporter mon témoignage, pour quoi faire?
Je ne suis pas aussi enthousiaste que toutes ces personnes face au confinement et plutôt en colère ….
Alors est-il réellement opportun?

Je m’explique…

Le confinement pour moi a été pour commencer la réunion de mon équipe afin de définir notre plan d’action, création de mails de classe, transmission de pochettes papier aux familles, instauration de permanences… Puis le déménagement de quelques dossiers à la maison, puis au fil des jours, confrontée à l’interdiction par ma hiérarchie de me rendre à l’école, le déménagement total de mon bureau.

Cela a été aussi une grande adaptation, gérer une équipe à distance, à coups de mails, de visioconférences, de tableaux organisationnels, trancher, faire des choix en essayant d’être juste… Pour par exemple, désigner la collègue qui sera confrontée chaque semaine aux familles pour transmettre les pochettes papier (donc potentiellement en contact avec le virus)…

Mais également garder le contact avec toutes nos familles, se les répartir pour les contacter individuellement par téléphone afin de leur expliquer que leurs enfants allaient devoir travailler à partir d’un smartphone, faute d’équipements…

Nous n’étions pas prêts… Familles non équipées, enseignants avec du matériel désuet, sans formation sur l’ENT, sur les classes virtuelles…

Mais on l’a fait et je suis fière de mon équipe, création de classes virtuelles, de padlets, de bookcreators, de pochettes papier pour les familles qui ne pouvaient se connecter… On a fait un boulot considérable, des heures et des heures…

Quand en parallèle pour gérer mes propres enfants (CP et CM2) nous ne recevions qu’un mail par semaine contenant un emploi du temps de ministre et ses pièces jointes à imprimer ou des documents à concevoir (heureusement je suis de la partie, mais quelle injustice pour les autres parents…) puis silence radio jusqu’au mail suivant, sans aucun autre lien avec leurs enseignants…

M’entendre dire lors d’une conversation que les remplaçants (sans doute pas tous..), n’avaient pas donné signe de vie pour aider et que l’on n’y pouvait rien… Puis raccrocher, me poser, réfléchir et me dire comment ça on n’y peut rien ??? Mais quelle injustice encore ! Et la colère monte face à l’impuissance…

Avoir enfin trouvé une organisation qui roule et apprendre finalement qu’il y a contre ordre et qu’il faut tout recommencer…

Ecouter les médias, apprendre que les élèves fragiles, non connectés vont reprendre, mais peut-être pas les autres… Finalement, les familles aisées et connectées sont préservées et les autres sont sacrifiées ? Où est l’égalité ? Dans quel but finalement ? Contaminer les plus fragiles ?! Je m’interroge…

Alors non le confinement n’a pas été pour moi un moyen de me ressourcer, bien au contraire… Je ne suis pas comme ces gens qui se retrouvent face à eux-mêmes pour penser, se remettre en question, lire… Non, entre ma vie professionnelle et ma vie de maman, télétravail plus école à la maison, j’avoue que les journées ont été bien remplies… Pas de place pour l’ennui…

Ceci jusqu’à la veille des vacances où l’on apprend par la presse et les réseaux sociaux que les écoles ouvriront le 11 mai, qu’une grande part organisationnelle sera laissée aux écoles et aux municipalités. Puis le blanc, le vide total, plus de mails … Le vide sidéral…. Hormis les échanges de mails avec les collègues pour partager nos inquiétudes…

Puis on entend, rentrée sur la base du volontariat… D’accord, très bien, mais que faire quand on est parent et enseignant, que faisons-nous de nos enfants ?! Avons-nous réellement le choix ???

À ce jour, aucune information hormis que les classes vont être désinfectées, nous sommes laissés seuls face à nous mêmes avec toutes nos interrogations et la consultation des médias comme seules réponses…

Alors je me questionne… Je suis tourmentée par différentes émotions, lassitude, tristesse, colère mais très peu de joie ou de gaieté lorsque je pense aux semaines à venir…

Mais pas d’inquiétude, car malgré ce tableau noir, je profite quand même des joies de la vie de tous les jours, et je garde l’espoir… J’ai la chance de vivre en maison avec du terrain et une grande terrasse, le confinement est sans doute moins douloureux pour moi que pour d’autres de ce côté-là…

Sonia, une directrice de 8 classes (15 enseignants) en quartier prioritaire de la ville quelque part en France.