Lycée Lucien Voilin, Puteaux (92), 2019
Sommes-nous tous égaux face à la réussite ?
Soyons clairs, la réponse est négative. Pour donner quelques faits, nous vivons dans les communes à côté du quartier d’affaires La Défense, avec ses tours et ses cadres en costume. Notre lycée fait tâche dans une ville riche. Nous sommes tous issus de familles modestes. Nos parents ne parlent pas toujours bien le français. En suivant les copains sur les réseaux sociaux, nous voyons que, même à génération égale, leur vie et leur situation matérielle est plus belle que la nôtre.
Alors d’où vient cette inégalité face à la réussite ? Est-ce qu’une vie meilleure, avec un bon métier, un logement confortable et de la reconnaissance nous sont inaccessibles ? Quels sont les critères de la réussite ?
L’association Expressions de France nous a proposé un jeu, qui remplace l’exercice du débat. On nous a posé plusieurs questions très concrètes traitant de thèmes liés à la réussite. A chacun de répondre personnellement et d’en tirer les leçons.
Les questions nous ont bousculé. Elles n’étaient pas difficiles en soi, mais on n’a jamais abordé avec nous le sujet de la réussite avec un ton positif et ludique. De plus, répondre ne suffisait pas. Il fallait aussi se regarder dans une glace par rapport à nos réponses.
A la question “Quels sont vos objectifs personnels et professionnels ?”, nous avons été silencieux. A croire que nous tournons en rond dans nos vies et vivons au jour le jour, incapables de nous projeter en avant, même à très court terme. Difficile de réussir dans ces conditions. Après quelques minutes et des premiers exemples d’objectifs, ou de modèles de réussite, les réponses sont sorties : devenir footballeur, créer un groupe de rap, ouvrir une entreprise, chercher un job d’été dans la restauration, etc. La réussite en soi, ça ne veut rien dire. On réussit car on a atteint des objectifs. Chacun a les siens, mais il faut les définir et les écrire. Parfois, la société ou la famille peuvent imposer des objectifs par exemple, obtenir le bac ou ouvrir son affaire.
A la question “Par rapport à vos objectifs, pour avancer, quels points forts allez-vous mettre en avant et quels points faibles allez-vous devoir gérer ?”, nous avons répondu simplement et rapidement : la niaque (ne rien lâcher), le travail, l’écoute, la confiance en soi, la gentillesse… A notre grand étonnement, ce ne sont pas les réponses qui importent. C’est plutôt notre capacité à nous demander si nous présentons les qualités que nous avons nous-mêmes énoncées. Par exemple, c’est facile de dire que pour réussir l’objectif “Se former à la vente et ouvrir une boutique”, il faut être bosseur et persévérant, mais sommes-nous au quotidien bosseurs et persévérants ? A chacun de répondre, mais il faut être humble… Il y a parfois un décalage entre les exigences du terrain et ce que nous sommes dans la vie.
A la question “Quelles actions allez-vous mener à compter d’aujourd’hui pour vous rapprocher de vos objectifs ?”, nous n’avons pas su répondre spontanément. Après quelques exemples donnés par les intervenants de l’association, nos réponses ont fusé : aller contacter l’oncle qui tient un garage, aller déposer un CV chez les commerçants du quartier, se renseigner sur une école pour devenir comédien, etc. Nous avons fini par comprendre l’intérêt de la question. Il fallait examiner notre environnement de vie (la famille, les camarades, notre ville…), identifier les ressources pour avancer (les contacts utiles par exemple) et réaliser des actions concrètes en s’appuyant sur cet environnement. C’est là qu’on se rend compte de l’importance de la qualité de l’environnement. S’il est plein de personnes bienveillantes et prêtes à aider, s’il y a des opportunités de travail, si les parents nous soutiennent, alors nous allons réussir plus vite. Nous allons nous répéter mais notre environnement est modeste : la famille n’est pas toujours derrière nous, la situation financière ou familiale est difficile, les potes du quartier ne nous encouragent pas…
Au final, on se rend compte que les conditions de naissance comptent beaucoup. C’est évident. Mais nous avons retenu que l’environnement se construit : il faut aller rencontrer des gens, écouter les conseils de ceux qui ont vécu, participer aux salons, aider les autres également… Parfois, c’est nous qui ne savons pas identifier les ressources utiles (l’existence de bourses, bonnes personnes) dans notre propre ville. La réussite semble être plus un savoir-être, une discipline, plus un environnement riche (même s’il faut le construire), que des recettes toutes faites comme le proposent des vidéos prétentieuses pleines de clichés sur Youtube. Le problème, c’est que nous ne maîtrisons ni la discipline, ni les règles de construction d’un environnement riche. Tout reste à faire pour nous.
Contribution des délégués du lycée Lucien Voilin, Puteaux (92)
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