Audrey, Artigues (09)
Résidant depuis 17 printemps dans une petite commune d’environ 30 habitants à l’année, j’ai la chance de me réveiller chaque matin entouré d’une nature abondante. Mon village fait partie d’une partie d’un canton isolé de la Haute-Ariège connu pour la richesse de ses paysages et itinéraires de randonnées. Il n’est accessible qu’en voiture, ou à vélo pour les plus courageux. Vivre à 1100 mètres d’altitude est agréable, le calme régnant en maître. Un secteur parfait pour l’épanouissement des enfants en bas âge ou d’une retraite au grand air.
Ce secteur peut paraître idyllique pour les vacances, mais il possède aussi des points négatifs pour les personnes y vivant à l’année et principalement pour les jeunes âgés de 12 à 25 ans. Afin de bien cerner le problème de la question de la place des jeunes de milieux ruraux dans la société, je vais à partir de mon expérience élaborer un témoignage. Il est donc nécessaire de garder à l’esprit que cet écrit est le point de vue d’une jeune fille vivant dans un canton avec très peu d’autres jeunes.
Les jeunes ruraux et la citoyenneté
En étant le plus honnête possible, je dirai que la possibilité pour les jeunes de faire entendre leurs voix et participer à la vie citoyenne est très faible dans notre milieu rural.
Après avoir effectué ma scolarité de la maternelle à la primaire dans ce canton, c’est en arrivant au collège de secteur, à 40 km de là, que j’ai remarqué l’écart entre la participation à la vie citoyenne des jeunes vivant dans cette bourgade et nous. Entre les associations caritatives, sportives, artistiques et surtout le Conseil municipal des jeunes, j’ai compris que les infrastructures et les initiatives pour l’épanouissement et l’engagement des jeunes étaient beaucoup plus développées.
Ainsi, en cherchant des raisons à ce manque d’engagement de notre part, on trouve principalement le manque d’infrastructures pour. Il est compréhensible qu’il soit difficile de créer un Conseil municipal jeune dans un village de 30 habitants où nous ne sommes qu’un ou deux. Il serait alors simple de me répondre que la solution serait de créer un conseil départemental jeunes. Il me paraîtrait alors logique d’organiser les réunions de ce conseil au chef-lieu de cette circonscription, à savoir à 3h aller-retour de route, ravivant le problème du manque d’infrastructures de transports et l’éloignement de nos communes.
Au niveau local, la parole des jeunes n’est pas celle qui sera la plus écoutée et suivie, étant en minorité numérique et nous retrouvant souvent partis à la majorité pour faire nos études. Les politiques municipales préfèrent satisfaire les besoins des personnes âgées en majorité numérique sur le territoire. Ce manque de représentativité pourrait sur le long terme avoir des conséquences notamment sur l’engagement politique de ceux-ci. Comment des jeunes à qui les municipalités n’ont pas donné d’importance peuvent-ils avoir l’envie de s’engager pour la vie du territoire plus tard ?
Égalité face à la réussite ? Possédons-nous les mêmes chances ?
Soyons une nouvelle fois honnêtes, je ne pense pas que nous ayons, nous jeunes des milieux ruraux et plus précisément dans mon cas, des zones de montagne, la même égalité face à la réussite que les jeunes des milieux urbains. Et les raisons peuvent être diverses et variées. Peu de jeunes de ma génération veulent se lancer dans de longues études et s’orientent vers l’apprentissage. Ce choix est le leur et est respectable cependant n’y a-t-il pas des causes socio-géographiques qui expliquent cette tendance à s’orienter vers des études courtes ? Ces orientations particulières des jeunes ruraux sont-elles les mêmes que celles de jeunes urbains ?
La première qui me vient en tête est le problème du suivi scolaire à l’école élémentaire. Le souci dans notre canton étant le déclin démographique, les classes ne cessent de se réduire entraînant il y a quelques années de cela une fusion de l’école maternelle et primaire, alors toutes deux dans un village différent avec des instituteurs différents. Désormais, ce n’est plus qu’une seule et unique classe allant de la petite section au CM2, soit 8 classes différentes avec un seul instituteur et non considérée comme une REP. L’accompagnement des élèves, même s’ils sont peu nombreux, peut en pâtir.
Dans le supérieur, les longues études veulent forcément dire qu’il faut s’éloigner géographiquement, faute de locaux proches. Le manque d’infrastructures de transports rend presque impossible le déplacement sans voiture, ce qui peut décourager les jeunes à faire des études supérieures et les statistiques le montrent ! Seulement 7,3 % des jeunes de milieux ruraux possèdent un diplôme universitaire de 2e ou 3e cycle contre 15.4% pour les urbains (*).
Mon expérience personnelle à ce sujet est assez atypique par ailleurs, ayant un attrait particulier pour les études et ayant eu la chance d’être aidée par mes parents pour parfaire les bases apprises vaguement à l’école élémentaire, j’ai pu acquérir les savoirs nécessaires pour pouvoir et vouloir continuer le plus loin possible mes études. Ce que d’autres n’ont pas eu la chance d’avoir et sont restés sur des bases fragiles d’école élémentaire, pouvant réduire leur envie de s’investir dans leur scolarité.
En résumé, lorsqu’il est question d’expression de soi, de citoyenneté ou d’études, les limites des zones rurales se font voir. N’étant pas accompagnés dès leurs premiers pas dans leur scolarité élémentaire, les jeunes de milieux ruraux voient les études comme un fardeau, faute d’infrastructures et d’accompagnement nécessaire. Ce qui amène à des faits avérés comme quoi les jeunes de milieux ruraux se retrouvent plus vite en activité que les urbains et font des études moins longues.
De ce fait, une des solutions majeures pour notre canton serait de tout miser sur l’éducation, une bonne éducation et un bon accompagnement est la clé pour réduire les inégalités. En élaborant un meilleur accompagnement pour les jeunes de l’école élémentaire, possiblement en possédant plus d’aide de l’État grâce au REP auquel notre école locale est totalement éligible selon moi. Les jeunes des milieux ruraux pourraient se découvrir un intérêt pour les études, et même un intérêt d’agir pour leur magnifique canton.
(*) source : étude du CESE sur la place des jeunes dans les territoires ruraux